Fantasia 2014 – Stereo

Dès le premier coup d’oeil, on sait qu’Erik n’est pas un enfant de coeur. Plus que la moto et les nombreux tatouages, c’est surtout son regard qui trahit un lourd passé qu’il tente, avec un certain succès, de laisser derrière lui. Sa nouvelle vie se porte plutôt bien; sa relation avec Julia s’épanouit et il se rapproche de la jeune fille de celle-ci. Puis un jour, pendant un pause cigarette, Erik aperçoit un homme, la tête dissimulée sous un capuchon, qui semble l’épier. L’homme apparaît à nouveau, plusieurs fois, et de plus en plus près d’Erik qui se rend compte qu’il est le seul à le voir. Erik a-t-il finalement perdu la tête? Est-ce que la figure est un message de son passé?

Ce qui impressionne, dès les premières minutes de Stereo, est la perfection avec laquelle l’ambiance de ce film a été construite. La trame sonore, la photographie et la direction débordent de style et nous transportent directement dans l’univers d’Erik; un univers incertain, fragile et dangereux. On y voit l’influence certaine de plusieurs films (principalement Fight Club et A History of Violence) mais le résultat est génial et inventif. Moritz Bleibtreu, qu’on a connu en  1998 avec le rôle de Manni dans Run Lola Run, livre ici la performance de sa carrière, intense et troublante. Un film cérébral avec un scénario intelligent qui se culmine en scènes d’une grande violence mais qui, ultimement, lance son plus grand coup de poing droit au coeur. À voir.

– Jessy Beaulieu

 

Fantasia 2014 – The Texas Chainsaw Massacre

Texas Chainsaw

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut assister, avec des centaines de nos amis, à la représentation d’une version restaurée en haute-définition d’une oeuvre qui a pratiquement inventé le film d’horreur moderne, en présence de son réalisateur. Le Festival Fantasia a permis à une salle remplie d’admirateurs de vivre précisément cette expérience hier soir.

Le festival a profité de l’occasion pour remettre à Tobe Hooper un prix pour l’ensemble de son oeuvre. Les films de Hooper (The Texas Chainsaw Massacre, Poltergeist, Salem’s Lot, entre autres) ont révolutionné le cinéma d’horreur et ont marqué plusieurs générations par leur réalisme, leur cruauté et leur cynisme. L’homme semble pourtant très heureux aujourd’hui et s’est prêté au jeu de la session de questions avec plaisir, nous offrant plusieurs anecdotes sur le tournage de The Texas Chainsaw Massacre, dont plusieurs absolument dégoûtantes. De plus, il a fait une énorme surprise à son public en emmenant avec lui une copie 35mm de la suite du film, The Texas Chainsaw Massacre 2, que les spectateurs ont pu voir gratuitement après le visionnement du film original.

Si la majorité de la salle était composée d’admirateurs connaissant manifestement le film par coeur au grand complet, on y comptait quand même quelques curieux qui avaient sauté sur l’occasion pour enfin voir le grand classique. Je peux affirmer sans aucun doute que tout le monde a été grandement satisfait. La restauration est magnifique et une attention toute particulière a été portée à conserver l’apparence un peu vieillote et abîmée de l’image. N’ayant pour ma part pas visionné The Texas Chainsaw Massacre depuis plusieurs années, j’ai eu l’impression de le voir pour la première fois, avec tout le plaisir que cela implique pour l’amoureuse du cinéma de terreur que je suis.

Tobe Hooper a dit hier avoir écrit The Texas Chainsaw Massacre suite à son sentiment de désillusion au début des années 1970. Watergate, la guerre du Vietnam, la situation économique des États-Unis, « Je croyais qu’on nous disait la vérité… mais on nous mentait« . La critique sociale qui en découle est, tristement, toujours d’actualité. C’est une des raisons pour lesquelles le film vieillit si bien. La suggestion et l’imagination sont les moteurs de l’horreur, beaucoup plus que l’hémoglobine (même s’il n’en manque pas) dans ce film et nous rappellent qu’en 2014 autant qu’en 1974, la peur la plus forte demeure toujours celle de l’inconnu.

Jessy Beaulieu

Fantasia 2014 – Starry Eyes

L’industrie du cinéma inspire d’étranges et grandioses histoires depuis le tout début de son existence. Un nombre incalculable de jeunes acteurs et actrices les yeux plein d’espoir s’y rendent tous les jours, prêts à vendre leur âme pour un petit morceau de succès, pour la reconnaissance de leur talent, pour un jour se voir sur un grand écran.

Sarah attend encore sa chance. Elle occupe un emploi assommant comme serveuse dans un resto pour pouvoir se permettre son appartement à Hollywood et court à toutes les auditions qu’elle peut trouver. Les échecs accumulés lui pèsent, elle se trouve moche et n’arrive pas à vraiment connecter avec ses amis, eux aussi des aspirants du milieu. Son destin semble tourner lorsqu’une maison de production de films d’horreur la rappelle pour une deuxième audition. D’accord, ils sont un peu étranges et demandent d’elle des performances peu orthodoxes mais c’est le succès qui cogne à sa porte, Sarah en ai convaincue et elle ne le laissera pas passer. Elle verra son nom sur l’affiche, coûte que coûte…

Starry Eyes m’a ébranlé. C’est un film difficile à regarder par moment, particulièrement grâce à ses effets spéciaux visuels incroyablement réussis, mais aussi par les intenses émotions si fidèlement rendus à l’écran. La performance de Alex Essoe dans le rôle principal de Sarah est hallucinante et a du être très épuisante pour l’actrice, une toute nouvelle venue sur la scène.  Je n’aurais jamais deviné que Kevin Kolsch et Dennis Widmyer, les réalisateurs et auteurs du scripts, ont eu recours à Kickstarter pour fonder le film. On y voit des références à de nombreux classiques (Possession de Zulawski, l’horreur biologique de Cronenberg, les slashers des années 1970 et 1980 et même un peu du nihilisme de Fight Club) mais l’ensemble est original et réussi.

Porté par une magnifique trame sonore toute en synthétiseurs menaçants (disponible sur album vinyle bientôt), Starry Eyes nous emmène au plus profond des dessous étranges d’Hollywood et, ce faisant, nous offre un des meilleurs films d’horreur de l’année.

– Jessy Beaulieu

Fantasia 2014 – Creep

Creep

Vous considérez-vous quelqu’un de naïf? À quel point pourriez-vous faire confiance à un inconnu? Vous risquez de reconsidérer vos réponses suite au visionnement de Creep.

Aaron, cinéaste un peu cassé, accepte une offre trouvée sur Craigslist. La tâche semble assez simple: suivre Josef avec sa caméra pour documenter une journée de sa vie. Dès leur rencontre dans un chalet isolé au milieu des montagnes, Josef s’empresse de le serrer dans ses bras pour ensuite lui expliquer qu’il est atteint d’un cancer incurable et qu’il souhaite laisser un vidéo souvenir pour le fils que sa femme et lui attendent. À l’agenda on retrouve une marche en montagne, un bain et un repas de crêpes. Aaron, tout comme nous, se découvre une certaine pitié pour Josef mais plus la journée avance, plus son comportement devient excentrique et la situation prend rapidement un tournant inquiétant.

Creep est le bébé de Patrick Brice et Mark Duplass, qui jouent Aaron et Josef respectivement. Le duo a écrit, réalisé et produit en partie ce film dans lequel ils interprètent également les deux seuls personnages. La majorité des dialogues ont été improvisés et le tout a probablement coûté des peanuts. Les films à micro-budget sont rarement mes favoris, on ressent souvent les lacunes dans le scénario ou le jeu des acteurs. Creep pourrait bien me faire changer d’avis. Le film aurait pu aussi s’appeler Malaise parce que c’est principalement ce que vous allez ressentir en regardant la relation entre Aaron et Josef varier entre l’indifférence, l’incompréhension, la panique et la compassion. La salle entière était au prise avec des rires nerveux et ce, du début à la fin. Le personnage de Josef trouble profondément et Duplass joue à la perfection ce gars étrange avec des manières singulières qui met tout le monde mal à l’aise. À l’instar d’Aaron, le public n’est jamais prêt à trancher; est-il simplement drôlement différent ou vraiment dangeureux?

Creep est un film caméra à l’épaule sans fantômes, sorcière ou démon mais qui s’avère très drôle et absolument terrifiant.

– Jessy Beaulieu

Mystérieux Étonnants #371Guardians of the Galaxy Vol.1: Cosmic Avengers

Cette semaine, la nouvelle série de Guardians of the Galaxy du scénariste Brian Michael Bendis et des illustrateurs Steve McNiven et Sara Pichelli. Bien sûr, comme à l’habitude, nous vous partageons également les dernières nouvelles sur l’univers de la pop culture, jeux vidéo, BD, films, télévision, etc.

Diffusion originale: 28 juillet 2014
Site web: MysterieuxEtonnants.com
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Fantasia 2014 – At the Devil’s Door

 The Pact, le premier long métrage de Nicholas McCarthy, a été présenté au Festival Fantasia en 2012 et sa bande-annonce avait grandement piqué mon intérêt. Malheureusement, le film lui-même s’était avéré une déception, malgré de visibles bonnes intentions se culminant en une finale complètement invraisemblable. Lorsque j’ai appris que McCarthy était de retour cette année avec At the Devil’s Door, j’ai décidé de lui donner une seconde chance. Après tout, The Pact n’avait peut-être souffert que d’un manque d’expérience.

At the Devil’s Door raconte l’histoire de Leigh, une jeune agente immobilière qui se voit confier la tâche de vendre une maison avec un passé plutôt sombre. Lors d’une visite, elle y croise une jeune fille portant un imperméable rouge, l’air complètement misérable. Leigh voudra lui venir en aide mais, ce faisant, ouvre la porte à une force inquiétante qui s’immiscera dans sa vie et celle de sa soeur, Vera.

Voilà, du moins, le synopsis pour une partie du film. At the Devil’s Door se promène entre les époques et les protagonistes à grande vitesse et sans finesse dans ses transitions. Le tout est monté de façon incroyablement maladroite et empêche ses personnages de se développer proprement. L’ambiance est toutefois réussie jusqu’au troisième acte, où le scénario fait de tels bons qu’on ne peut s’empêcher de rire d’incrédulité.

J’aurais du me fier à mon instinct. At the Devil’s Door n’est pas une amélioration du début décent mais imparfait qu’était The Pact. C’est même un pas vers l’arrière, confus et ponctué de moments de tensions mal exploités.  Une porte qui n’aurait jamais du être ouverte.

Jessy Beaulieu

Fantasia 2014 – Goal of the Dead

Goal of the Dead des réalisateurs Benjamin Rocher et Thierry Poiraud s’inscrit comme l’une des plus récentes productions qui s’efforcer de revisiter le genre des films de zombies. Dans la même veine que le long-métrage Shaun of the Dead d’Egar Wright, le film français combine à la fois les scènes d’action de comédie et des séquences sanglantes plutôt efficaces qui seront satisfaire les adeptes du genre.

Samuel Lorit (Alban Lenoir) est un joueur de football chevronné qui retourne dans son village natal afin d’y participer à un match lourd de sens pour ses habitants. Sa venue est malheureusement attendue avec beaucoup d’appréhension de la par les résidents du patelin qui  le considèrent comme un traitre et la cause de tous leurs malheurs. Ce qui aurait pu être une rencontre sportive amicale vire au vinaigre lorsqu’un joueur contaminé par une infection étrange pénètre dans le stade transformant au passage athlètes et villageois en zombies. S’il veut s’en sortir vivant, Samuel n’a nul autre choix que de s’allier avec ses anciens concitoyens faisant face par la même occasion à son passé.

Goal of the Dead aurait facilement pu être qu’une succession d’effets spéciaux tapissés d’hémoglobine et de tripes, mais il n’en est rien. En effet, sans toutefois alourdir le rythme du récit, Rocher et Poiraud s’efforcent de construire une histoire tragique pour leur personnage. Ce dernier, sympathique au départ, peut se montrer aussi méprisant et c’est avec une certaine ambiguïté qu’on le voit agir.

Le football européen, ou le soccer comme on le nomme ici, est un prétexte à un scénario qui ne s’éloigne que très peu des sentiers empruntés habituellement par ce type de production sans pour autant être prévisible. Malgré tout, les références à ce sport pleuvent, même si on désire un lien plus étroit entre la discipline et la prémisse du film.

La réalisation des scènes d’action quant à elles n’est égalée en qualité que par la photographie. Chaque coup, explosions et fractures sont bien senties et c’est avec beaucoup d’enthousiasme que le public de Fantasia, on s’en doute, en redemandait encore. Les dialogues mordants ponctués d’expressions typiquement françaises ajoutent à une mise en scène déjà survoltée.

Sans révolutionner le genre, Goal of the Dead livre exactement ce que le film semblait promette au départ. Soit un récit mouvementé, bourré d’action et de rebondissements avec des acteurs chaleureux et hilarants dès le premier regard.

– Benoit Mercier

 

Fantasia 2014 – Ingtoogi: The Battle of Internet Trolls

La cyberintimidation est un sujet chaud de l’heure. On ne peut plus compter le nombre de fois qu’on a vu passer aux nouvelles l’histoire d’un adolescent ou d’une jeune adolescente qui s’est terminée dans le drame après que celui ou celle-ci s’est fait harceler à répétition sur Internet. Il s’agit d’un sujet particulièrement grave duquel il est difficile de rire ou de déconstruire sans tomber dans l’humour de mauvais goût.

Pourtant, Ingtoogi: The Battle of Internet Trolls y parvient et désamorce rapidement toute ombre d’appréhensions négatives que l’on pourrait avoir à son égard. Il n’est pas question ici de rire du malheur des «cyberintimidés» ou des gens qui subissent une quelconque forme de violence psychologique ou physique, mais plutôt d’utiliser ce contexte pour raconter un curieux récit à la fois touchant, drôle et profondément étrange.

Tae-sik (Um Tae-goo) se livre depuis un certain temps à une joute d’insultes en ligne avec «Manboobs», un internaute dont il ne connait pas l’identité. Leur petit jeu prendra pourtant une dimension bien réelle le jour ou son adversaire l’entrainera sous prétextes dans un guet-apens durant lequel Tae-sik sera agressé violemment. L’évènement est enregistré et fera bientôt le tour de l’Internet en Corée ce qui marquera profondément le jeune homme. Avec l’aide de son meilleur ami Hee-joon (Kwon Yul) et d’une jeune fille nommée Young-ja, ce dernier partira à la recherche de son ennemi sur qui il jure de se venger. Une quête difficile à porter pour ce personnage qui à tous les traits d’un perdant.

Le film délaisse l’humour bouffon et les gages grossiers pour s’aventurer dans des zones plus sombres rarement approchées par les comédies américaines classiques. Le caractère comique du long-métrage s’incarne principalement dans la psychologie de ses personnages qui sont complètement déments et dont les agissements sont houleux au mieux. La jeune Kwon Yul en est spécialement un bon exemple. Son personnage, Hee-joon, est déstabilisant et c’est avec beaucoup de curiosité qu’on la voie multiplier des actions répréhensibles qui contrastent avec les rares moments où elle se montre vulnérable.

Malgré son caractère excentrique, le film reste ancré dans un profond sentiment de réalisme ce qui rend la souffrance de Tae-sik d’autant plus prenante. Bien que maladroit et peu sociable, on demeure sympathique à son parcours et sa souffrance qui est incarné avec brio par Um Tae-goo. On sent le bagage émotionnel lourd d’un jeune homme pour lequel on voudrait venir en aide autant que l’on voudrait le frapper derrière la tête.

Le réalisateur et scénariste Um Tae-hwa n’offre pas de solution à l’intimidation virtuelle. Là n’est pas le but de son oeuvre qui se veut surtout une fenêtre sur un univers étrange où chacun fait preuve d’actes immoraux. La violence entraine la violence et ceux qui, initialement, semblaient justifier d’obtenir justice finissent par devenir aussi dangereux que leurs bourreaux. De la cruauté qui, malgré tout, est divertissante.

– Benoit Mericer

Fantasia 2014 – In Order of Disappearance

In Order of Disappearance prend initialement les allures d’un film typique de vengeance pour soudainement quitter les sentiers familiers du genre afin d’adopter un humour noir, grinçant et déstabilisant. Il s’agit d’un récit de gangsters atypique aussi unique que l’environnement dans lequel il prend place, le paysage enneigé de la Norvège.

Nils (Stellan Skarsgard) est un déneigeur qui parcourt les routes de sa région afin de rendre possible la circulation automobile. Un métier que l’homme pratique avec beaucoup de fierté et qui lui vaut le respect de ses concitoyens. Son univers basculera le jour où son fils est découvert sans vie dans une gare, le résultat, dit-on, d’une overdose. Flairant un complot, le père de famille partira à la recherche des hommes responsables de la mort de son enfant. Une quête de vengeance qui l’amènera nez à nez avec un trafiquant de cocaïne puissant et excentrique.

Le réalisateur Hans Petter Moland réussit à créer l’illusion d’une histoire on ne peut plus classique. Un leurre brillant pour lequel il relève le voile petit à petit pour finalement projeter l’audience  dans une succession de périples abracadabrants. Si au départ on prend les quelques moments cocasses comme de la maladresse ou le fruit du hasard, on s’aperçoit rapidement qu’il n’en est rien.

Silences pesants, dialogues mordants et instants ponctués de malaises viennent agrémenter un long-métrage qui peut se montrer sinon aussi violent que cru. Les intentions premières de Nils sont rapidement oubliées, ou très peu mises en valeur, pour se concentrer sur l’univers mafieux norvégien, dont ce dernier est aux prises avec un chef incompétent sur le bord de la dépression nerveuse et joué avec brio par Pål Sverre Hagen.

Le rythme de In Order of Disappearance est presque parfait si ce n’était du début du troisième, un moment de transition durant lequel l’oeuvre semble se chercher et tarder à aller vers sa conclusion qui, malheureusement, se dévoile comme étant prévisible.

Il ne faut pas également passer sous silence le travail de Bruno Ganz qui y incarne le chef d’une organisation criminelle serbe. Bien que peu présents, ses rares moments à la caméra sont hilarants et toujours empreints à une menace qui se dégage de son frêle personnage.

In Order of Disappearance peut s’inscrire sans problème dans la catégorie des films de gangsters nouveau genre. Son humour noir et son ton qui alterne entre l’oeuvre réflective et la violence sont les éléments d’une recette qui fonctionne étonnamment bien. À découvrir avec un gilet par balle et un anorak.

– Benoit Mercier

Fantasia 2014 – No Tears for the Dead

Après le succès retentissant du suspense d’action The Man from Nowhere, le réalisateur Jeong-beom Lee s’est retrouvé devant tout un défi; satisfaire l’appétit grandissant de ses nouveaux fans internationaux avec un nouveau film tout aussi enlevant que celui qui a fait sa réputation. La pression était énorme et Lee n’a pas tout à fait livré la marchandise.

Gon est un gangster endurci, qui a grandi dans un pays qui n’était pas le sien après avoir été abandonné par sa mère. Il est maintenant un as dans son domaine, un assassin discret et efficace. Seulement, son dernier job a mal tourné. Gon, qui ne fait jamais d’erreur, tue involontairement une fillette innocente. Encore sous le choc quelques semaines plus tard, il se voit confier la mission d’abattre la mère, qui est au beau milieu d’une gigantesque arnaque financière sans le savoir. Pour la première fois de sa vie, Gon envisage désobéir aux ordres pour sauver la mère de sa victime. Les larmes et le sang couleront à flots.

Les scènes d’actions de No Tears for the Dead sont époustouflantes. Le cinéma coréen filme la violence avec une énergie pure et puissante, comme personne d’autre ne sait le faire. Dans ce film, par contre, les scènes à couper le souffle sont peu nombreuses et on doit souffrir un montage souvent insensé pour être trop rarement récompensé. J’imagine qu’on voulait augmenter l’attrait international de la production en imaginant un personnage principal qui aurait grandi aux États-Unis et en filmant plusieurs moments entièrement en anglais. Seulement voilà, de toute la distribution, un seul acteur était crédible dans la langue de Shakespeare et Dong-gun Jang, dans le rôle principal, était probablement le pire. On n’y croît jamais à cette histoire d’enfance au Minnesota.

La multiplications des personnages trop nombreux et inutiles ainsi que les dialogues risibles (surtout en anglais) n’aident en rien à garder le spectateur intéressé. Ce qui devrait être un crescendo vers la finale (somme toute spectaculaire) est plutôt une interminable valse entre des gangsters minables et une femme misérable. Au beau milieu; Gon, qui distribue de sales raclées mais qui perd pas mal de temps à hésiter avant de le faire. Vaut mieux regarder The Man from Nowhere à nouveau et attendre que les meilleurs « pètage de gueules » de No Tears for the Dead se retrouvent sur YouTube.

– Jessy Beaulieu

Fantasia 2014 – Honeymoon

http://youtu.be/9sH1bYmt3Gw

Ah, l’amour. On dit qu’il est aveugle et plus fort que tout. Paul et Bea, les protagonistes de Honeymoon, viennent à peine de célébrer leur mariage qu’ils devront mettre à dure épreuve ces belles préconceptions sur la puissance des sentiments que l’on éprouve pour l’être aimé.

C’est dans un joli chalet dans les bois québécois que nos tourtereaux ont décidé de passer leur lune de miel. Intensément amoureux et heureux, ils vivent leurs premiers jours comme mari et femme dans un tourbillon de sexe, de rires et plein-air. Puis une nuit Bea disparaît et Paul, paniqué, la retrouve nue et seule au beau milieu de la forêt. Dès cet incident, le comportement de sa fiancée devient de plus en plus étrange et inquiétant, au point où Paul ne reconnaît plus du tout celle qu’il a marié seulement quelques jours auparavant. Qu’est-ce qui pousse Bea à agir si bizarrement? Pourquoi oublie-t-elle un matin comment faire du café? Que s’est-il réellement passé dans les bois cette nuit-là? Et, surtout, jusqu’où Paul est-il près à aller et qu’est-il prêt à croire par amour?

J’écrivais récemment dans une autre critique que l’horreur c’est transformer le quotidien en terrifiant et quoi de plus près de nous que l’être aimé? Quand la personne qui partage votre vie, celle à qui vous avez juré confiance et amour, devient quelqu’un d’autre et pose des gestes que vous ne reconnaissez pas, il n’y a franchement rien de plus affolant. C’est pourquoi Honeymoon fonctionne à merveille sur papier. Malheureusement, le premier acte m’a semblé interminable, j’ai senti qu’on voulait tellement me convaincre que Bea et Paul était un petit couple parfait, avec si peu de subtilité que ça en devenait caricatural et donnait l’effet contraire. J’ai deviné le dénouement dès le premier événement étrange et j’ai donc du attendre patiemment que le personnage principal fasse de même, alors que les indices n’étaient absolument pas subtils.

Honeymoon aborde un thème intéressant mais qui a souvent été exploité, souvent avec de meilleurs résultats, et n’y apporte rien de nouveau. La morale que j’ai retenu? Ne choisissez pas les forêts québécoises pour votre lune de miel!

Jessy Beaulieu

Fantasia 2014 – Cold in July

Le réalisateur Jim Mickle est surtout connu pour son travail dans le domaine de l’horreur. Mulberry St, Stake Land et We Are What We Are étaient tous de terrifiants films, pour de très différentes raisons. Avec Cold in July, il nous démontre à quel point quelques minutes de notre vie peuvent dramatiquement altérer le reste de nos jours.

Dans un Texas de la fin des années 1980, Richard Dane (Michael C. Hall) mène une existence tranquille, à la limite de l’ennuyant. Encadreur de profession, père d’un jeune garçon et mari dévoué, il détonne légèrement avec son environnement et son époque, où les hommes sont des cowboys et des machos. Lorsqu’un cambrioleur fait effraction chez lui, Rich s’arme nerveusement du fusil de son défunt père et abat le bandit, par réflexe involontaire. Complètement secoué par son geste, il n’est pourtant pas au bout de ses peines. Le voleur avait pour seule famille son père, un ex-détenu qui vient tout juste de sortir de prison et qui cherche maintenant à venger la mort de son fils unique. L’univers de Richard Dane est sur le point d’être complètement basculé.

Ce film, jusque dans son âme, est une lettre d’amour du réalisateur au cinéma des années 1980. La trame sonore est délicieuse, rappelant la musique de John Carpenter pour Halloween, les meilleurs morceaux de Giorgio Moroder ou, plus près de nous, ce que nous offre le groupe montréalais Le Matos. L’esthétique, l’histoire et même les personnages nous ramènent tous à une époque où les films d’action étaient plus simples, où les bons gars étaient des machos au grand coeur et conduisaient une Cadillac. La présence même de Don Johnson dans la distribution prouve les intentions de Mickle, qui réussit complètement à nous transporter dans le temps.

Là où le réalisateur perd pied, c’est au moment de traduire de façon cinématographique l’absurdité du matériel original. Cold in July est adapté d’un roman de l’auteur Joe R. Lansdale, qui a également écrit le livre qui a inspiré Bubba Ho-Tep, ce film mettant en vedette Bruce Campbell dans le rôle d’un Elvis vieillissant qui combat des morts-vivants aux côtés d’un JFK noir. Lansdale aime mélanger les tons et écrit avec beaucoup d’humour sur des sujets absolument sérieux. Il en résulte que Cold in July est un film constamment en quête d’identité, qui change de ton plus qu’une fois de manière assez radicale.  À la limite, on dirait parfois regarder plusieurs courts épisodes mettant en vedette le personnage de Richard Dane ou un de ses acolytes, au lieu d’un film complet et cohérent. Cette inconsistance entraîne un sentiment de longueur au film, en plus de nous faire décrocher du récit de temps à autre.

Malgré tout, j’ai grandement apprécié l’aventure et je suis restée en haleine, souvent au bout de mon siège, jusqu’à la toute fin. Cold in July nous offre la perte d’innocence d’un homme douloureusement ordinaire à travers plusieurs détours, certains très drôles et d’autres absolument tragiques, aux couleurs de ce qui fut possiblement la meilleure décennie du cinéma.

– Jessy Beaulieu

Fantasia 2014 – Cybernatural

http://youtu.be/qaSbVR0zSC0

Je l’avoue, je suis entrée dans la salle de représentation de Cybernatural à reculons. Les films tournés avec caméra à l’épaule, du genre Paranormal Activity, sont selon moi un genre qui a commencé à s’essouffler dès la sortie de The Blair Witch Project.  Lorsqu’en plus j’ai vu la bande-annonce, j’ai anticipé un film qui ne serait que l’exploitation un peu « cheap » d’une technologie moderne pour quelques effets spéciaux peu impressionnants. Je suis heureuse de vous annoncer que je m’étais enfoncé le doigt dans l’oeil jusqu’au coude.

Un vidéo incroyablement embarrassant apparaît un jour sur internet et ruine la réputation de Laura Barns. Les images font rapidement le tour de l’école et l’adolescente, le moral complètement brisé par l’intimidation incessante de ses pairs, décide tragiquement de mettre fin à ses jours. Cet acte est également rendu public en ligne. Un an plus tard, le groupe d’amis responsable de la descente en enfer de Laura passe une soirée ordinaire en vidéoconférence sur Skype. Les insultes et les blagues fusent de toutes parts, certaines même au dépend de la défunte. Lorsqu’ils reçoivent tour à tour des messages des comptes de réseaux sociaux de Laura, la colère puis la panique les gagnent rapidement. Un individu anonyme et caché, sous le pseudonyme de Laura, se joint à leur session Skype et les force à jouer à son jeu pervers qui expose tous les mensonges qui germent depuis longtemps dans leur amitié. L’enjeu, tout simplement, est leur vie.

Il y a 10 ans, ou même 3, si quelqu’un m’avait prédis qu’un jour non seulement je verrais un film dont l’action est entièrement vue à travers un écran d’ordinateur mais qu’en plus je le louangerais, j’aurais assurément éclaté de rire. Le concept est très peu attirant, personne ne veut fixer un écran d’ordinateur lorsqu’on est au cinéma, on passe déjà pour la plupart notre journée entière à le faire! Pourtant, Cybernatural est un bijou. La distribution entière, composée de visages inconnus, est parfaite du début à la fin et contribue énormément à nous faire croire aux évènements surnaturels desquels nous sommes témoins. Il faut également dire que tout ici a comme but la vraisemblance; les personnages utilisent Skype, Spotify et Google, pas des versions bidons inventées pour éviter des poursuites.

Si vous êtes, comme je l’étais, un peu rebuté par l’idée de « l’horreur par ordinateur », souvenez-vous que les plus grands films d’épouvantes sont ceux qui réussissent à transformer le quotidien, le banal et même l’agréable en situations horribles et terrifiantes. Ce fut le cas pour les plages avec Jaws, les vidéocassettes avec The Ring, les oiseaux pour The Birds et le téléphone pour d’innombrables oeuvres. Cybernatural prend ce qui est devenu pratiquement une extension de notre identité et le métamorphose en une arme acérée pointée vers nous-mêmes. Ceci dit, je souhaite sincèrement que ce sera le seul de son genre, même si c’est peu probable. À l’instar du fameux The Blair Witch Project, la recette de l’horreur digitale en est une qui donnera sans doute naissance à de nombreuses émules qui risquent de ne pas arriver à la cheville de l’efficacité de l’original.

Je dois également noter que la session de questions suivant la projection a été accomplie partiellement par vidéoconférence Skype, une expérience complètement surréaliste pour le public qui se remettait à peine de ses émotions!

– Jessy Beaulieu

Fantasia 2014 – Life After Beth et Suburban Gothic

La comédie d’horreur est un genre particulièrement difficile à faire et surtout à bien faire. Il faut savoir doser les blagues et le sang et atteindre un précieux équilibre qui laisse assez de place à chaque élément sans éclipser ou annuler le reste. Life After Beth et Suburban Gothic, deux films présenté un à la suite de l’autre au Festival Fantasia hier soir, se donnaient tous deux la mission de relever ce défi.

Zach est inconsolable. Sa copine Beth est décédée quelques jours auparavant et il n’arrive plus à trouver de raison de continuer. Malgré son aveu que leur couple éprouvait des difficultés et qu’ils s’étaient temporairement séparé lorsque le drame a frappé, Zach se morfond en se rappelant toutes les choses qu’il n’a jamais pu dire à la fille qu’il aimait, tous les gestes qu’il a repoussé à plus tard. Il trouve un refuge émotionnel chez les parents de Beth, les Slocum (joués par John C. Reilly et Molly Shannon), jusqu’à ce que ceux-ci cessent de retourner ses appels et refusent de le laisser entrer chez eux. C’est en fouinant autour de la maison que Zach découvre l’impossible: Beth est revenue, sans souvenir des événements ayant mené à sa mort. Zach est fou de joie et se fait un devoir d’enfin profiter pleinement de la présence de sa bien-aimée. Beth par contre est… différente. Elle a des excès de colère terrifiants, elle développe un amour étrangement intense pour la musique de salle d’attente (le smooth jazz) et a un énorme appétit… sexuel. Zach apprend donc à composer avec ses changements parce qu’il aime Beth et l’aimera toujours, quoiqu’il arrive. Du moins c’est ce dont il tente de se convaincre.

Life After Beth est peut-être rempli de créatures étranges mais son histoire en est une très ordinaire; l’histoire d’un couple qui tente de survivre longtemps après avoir atteint la date d’expiration. Pratiquement chaque scène peut être interprétée au deuxième degré. C’est intelligent, ça fonctionne. Le scénario est drôle et efficace mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il manquait un petit quelque chose. Une touche de finition, un ficelage plus serré, un aiguisage des blagues, je ne sais pas trop. Le réalisateur Jeff Baena a avoué qu’il avait écrit Life After Beth il y a plusieurs années mais n’avait jamais trouvé les ressources ou l’intérêt de le porter au grand écran. C’est sa femme Aubrey Plaza (Julie Powers de Scott Pilgrim vs. The World et la Beth titulaire du film) qui l’a encouragé à, disons-le, ressusciter le scénario récemment. Une comédie légère avec très peur d’horreur, qui se retrouve dans la catégorie de Warm Bodies et autres; sympathique mais pas nécessairement mémorable.

Suburban Gothic est une comédie au ton quelque peu différent. Cliquez ci-dessous pour en savoir plus.

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Fantasia 2014 – Boyhood

Vous en avez certainement entendu parlé, Boyhood est cet accomplissement cinématographique du réalisateur Richard Linklater, filmé sur une période de pas moins de 12 années. Ne serait-ce que pour cette raison, le film est intriguant mais est-il divertissant?

Plusieurs personnes m’ont demandé de décrire le scénario de Boyhood depuis la représentation d’hier et je dois avouer que je n’ai pas encore réussi à trouver les bons mots. Boyhood est à propos de rien… et de tout. C’est une fenêtre sur la vie d’une famille américaine dont les parents sont séparés depuis que les enfants, Mason et Samantha, sont très jeunes. On y suit leur quotidien à différents moments et on les voit littéralement grandir et changer devant nos yeux pendant près de 3 heures. Si cette prémisse vous semble ennuyante à mourir, détrompez-vous. Le scénario et les dialogues sont si bien écrits qu’ils semblent complètement naturels, presque improvisés. On a vraiment l’impression d’avoir une porte qui mène à cette famille et que l’on ouvre au hasard pour observer où ils en sont, qui ils sont devenus à ce point dans leur vie. La distribution entière excelle et on s’attache facilement et rapidement aux personnages.

Un détail que j’ai particulièrement apprécié est l’omniprésence de la musique tout au long du film. Le père de Mason et Samantha et musicien et discute souvent de pièces avec ses enfants comme seul un vrai mélomane sait le faire, Mason juge le caractère de son futur co-chambreur par le fait qu’il est grand fan du groupe Bright Eyes, par exemple. Au delà de ça, les chansons qui accompagnent certaines scènes ont étés soigneusement choisies pour représenter l’année et l’ambiance du moment. Par exemple, Blink-182 nous chante Anthem Part Two en 2002, pendant qu’un jeune Mason et son meilleur ami explore le voisinage à vélo.

Boyhood est la définition même d’un « feel good movie« . C’est un film qui donne envie de vivre, d’avoir des enfants, d’appeler ses parents et de serrer nos amis dans nos bras. C’est un tour de force unique en son genre, qui sonne plus vrai que toutes les séries de télé-réalité réunies ensembles.  Lorsque le générique roule au bout de 2 heures 45 minutes, on n’a pas vu le temps passer et on en voudrait encore. À ne pas manquer.

Boyhood sera en salle de cinéma dès ce vendredi 25 juillet.

– Jessy Beaulieu