Festival Fantasia 2012 – Toad Road

Contrairement à sa prémisse qui pourrait faire croire à un petit film d’horreur « indie », «Toad Road» du réalisateur Jason Banker a plutôt emprunté l’avenue de l’expérimentation afin de présenter à l’écran la descente aux enfers, réel et figurée, d’un groupe d’adolescents insouciants aux prises avec de sérieux problèmes de consommation de drogues de toutes sortes. Un récit troublant et déstabilisant qui surprend par son traitement esthétique « cru » et l’authenticité de ses interprètes qui ne sont pas des acteurs de formation, mais bel et bien des amis dans la vie de tous les jours.

Avec une caméra qui n’est pas sans rappeler celle d’un documentaire, Jason Banker et avant tout un documentariste, l’histoire de Toad Road nous est d’abord divulguée au travers de scènes de party et de prises de drogues dures. Les membres du groupe boivent, se défoncent avec l’aide de différentes substances, se tiraillent jusqu’à se brûler mutuellement le poil des parties génitales. Rien ne semble pouvoir les calmer ou les apaiser pour simplement un instant ces ados qui enchaînent un vice après l’autre.

Sara, une jeune femme de la ville, qui a récemment emménagé à York pour s’éloigner de ses parents, s’intègre rapidement à la bande qui l’initie à la consommation de narcotiques et d’hallucinogènes. Après un « Bad Trip » engendré par des champignons, la jeune femme, qui cherche par ailleurs sa place dans le Monde, tente de tirer du sens de cette expérience qu’elle qualifie de mystique. Ses recherches la poussent à vouloir emprunter le sentier de «Toad Road », un célèbre chemin tiré d’une légende urbaine locale qui selon ce que l’on raconte mènerait tout droit en enfer. Elle entrainera dans sa quête James, son ami et amant. Une fois sur le sentier, le couple est séparé. Seul James en ressortira des mois plus tard. Un phénomène étrange qui l’entrainera malgré lui dans son propre calvaire.

Comme ses acteurs, « Toad Road » est franc et direct. Il ne passe pas par une panoplie d’artifices pour instaurer chez le spectateur un sentiment de véracité ou d’inquiétude. Quoique déstabilisant un peu au départ, le rythme est lent et prend le temps de nous présenter ses personnages et leur monde. Un milieu composé de désordres et d’excès duquel Banker a malheureusement de la difficulté par moment à laisser de côté, mais qui a l’avantage de faire baigner le film dans un sentiment d’authenticité. L’histoire n’en est également pas moins intéressante, même si l’aspect paranormal du récit entre en scène que beaucoup plus tard. On pourrait également argumenter que « chemin de croix » que représente Toad Road est déjà emprunté dès la première scène du film puisque qu’une dilatation du temps qui affecte James, et par le fait même le public, entre en scène dans la dernière partie du long-métrage. Un acte lugubre est psychédélique qui amène à questionner notre personnage principal, ces choix et ce qui nous est présenté à l’écran.

Une bonne partie du dialogue des acteurs est improvisée par ceux-ci. Selon les dires de Jason Banker, il aurait livré à ses interprètes une simple structure à respecter pour chaque scène. Banker a également avoué qu’il lui a fallu un certain temps avant de décider qui seraient les personnages principaux sélectionnés parmi le groupe d’amis et comment l’histoire du long-métrage serait traitée. Des aspects nuisent un peu au film qu’on a l’impression de piétiner à certains endroits et qui se conclut soudainement faute d’un plan de travail exhaustif.

Le réalisateur réussit tout de même son pari en livrant un récit prenant et étrange que l’on s’apprécie davantage lorsque l’on apprend qu’il est le fruit d’une cinématographie expérimentale. À écouter à jeun les lumières allumées et en bonne compagnie.

– Benoit Mercier

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